Jeremie Coke, le bassiste de luxe d'Electro Deluxe

Publié le 28 mars 2025 à 11:22
Droits réservés Ben L. Photography

A la veille de la reprise de la tournée de l'album NEXT d'Electro Deluxe, j'ai eu l'honneur de pouvoir échanger avec Jeremie Coke, le grave groover de la formation et j'avoue que j'ai adoré. C'est un pur bonheur de pouvoir discuter avec Jeremie qui est un musicien passionné, humble et super sympathique.

Est-ce que tu peux nous raconter la genèse de votre dernier album NEXT ? N’y a-t-il pas un vrai tournant dans cet album ?

Moi je ne trouve pas mais je ne suis pas le mieux placé pour le dire c'est toujours pareil.

nous on est à l'intérieur on ne se rend pas compte forcément des tournants ou des changements. J'ai l'impression qu'on fait la musique qu'on a envie de faire tout simplement.

Pour écrire NEXT, on a essayé de faire plutôt simple, parce qu'on était un peu anesthésiés par le Covid. On n'a pas créé comme certains groupes ont pu le faire. D'autres, carrément, ont hiberné. C’était notre cas et on s'y est remis après. Donc, cela nous a pris un peu de temps, histoire de relancer la machine avec les instruments qu'on aime, les vieux claviers, des clavinets, des vieux synthés. On a enregistré à la maison avec nos batteries, enfin tout. On a enregistré la moitié voir les trois quarts à la maison, sans se prendre la tête. On a fait les morceaux comme ils venaient, vraiment dans la plus grande simplicité. Après, on sent peut-être un changement parce que c'est peut-être un peu plus funk, un peu plus roots que les deux d'avant. Donc, on a l'impression que ça fait un tournant, mais moi, je ne le ressens pas comme ça. C'est plutôt un grand carrousel qui tourne depuis 20 ans. Donc, forcément, on ne fait plus la même chose qu'il y a 23 ou 24 ans.

Après tout ce temps, on a pris de la maturité, on change, mais tout ça ressemble à un très long virage mais qui reste une vraie ligne droite pour nous avec toujours cette ligne directrice, très funky avec des vieux instruments, des vieux sons comme on aime.

Si tu prends nos albums à nos débuts, ils sonnaient très bruts. Il y avait moins de production qu’aujourd’hui mais c’était ce que nous voulions à l’époque. Du coup, je ne peux pas dire que c'est un virage mais plutôt une lente évolution.
La vraie nouvelle ligne directrice du groupe, c’était l’arrivée de James. Au troisième album, il a chanté sur deux morceaux. Donc, c'était déjà un début d’apparition et quand on a vraiment commencer à composer avec lui, c'était à partir du quatrième. C'est plutôt tard dans la vie du groupe.
 

J'ai cru comprendre, vous étiez tous ici et là en France ? Alors quand tu parles d’enregistrement à la maison, c’est au sens propre ?!

Oui, moi j'ai enregistré les basses avec Arnaud. On fait basses / batteries / claviers également.

Cela dépend des jours et des configs. Après, Gaël ne fait pas tout en même temps. Parce qu'il y a des orgues à faire. Il rajoute souvent en multicouches. Et les cuivres arrivent généralement après tout ça. Et pour finir, la voix se pose quand la rythmique est terminée.

Chacun arrive avec des maquettes qui sont, en général, assez poussées. Tout ça est fait chacun chez soi. Et puis, on les essaye ensemble et elles changent. Elles vivent et sont modifiées avec le groupe.

Elles sont remaniées, restructurées, ou des fois, il y a des parties en moins, des parties qui changent. On s'aperçoit qu'il y a des parties qui ne sonnent pas très bien. Et il y a des fois, c'est l'inverse. Il y a des parties qui sonnent mieux que prévues, et qui deviennent quelque chose de principal dans le morceau.

Une fois qu'on a des trames de musique en maquette, on se voit avec James il travaille une fois qu'il y a ce minimum-là. 

 

Fred Wesley, Niels Landgren, Candy Dulfer en participations sur NEXT, cela fait un beau palmarès !?

Pour l’album, on avait lancé des invitations et cela a marché ! Ils sont tous répondu présent ! Fred Wesley, on a le même tourneur européen. Donc, ça crée des liens.

Pour Candy, C’est James qui l’a rencontré en Hollande, là où elle habite. Il était allé la voir pendant un concert. Il n'osait pas lui parler mais je crois que c'est sa femme qui l'a accostée « Si, si, mon mari voudrait vous parler ! »

Et elle a également accepté de participer à notre concert de sortie à Paris, c’était génial ! 

 

Quelles sont les perspectives pour 2025 ?

Ca fait presque un an que l’album est sorti. Donc, on a pas mal joué et on continue la tournée cette année. On repart sur les routes à partir du 7 février avec Saint-Lô, Dijon, Nancy, Reims, Lyon et bien d'autres. Ca s'étale un peu sur l'année et pour novembre un concert un peu exceptionnel en big band à la Cigale à Paris.

C’est la seule date que l’on peut annoncer très tôt car c’est vraiment assez rare et exceptionnel. Nous avions fait une date en fin d’année en République Tchèque dans la même configuration et cela nous a redonné goût à renouveler l’initiative. Arriver à 20 sur scène, il faut avoir envie de le faire et de le mettre en place. C’est un projet qui a été repoussé plusieurs fois mais c’est enfin programmé au 6 novembre 2025.

Et si on parlait un peu de toi et du son Jeremie Electro Deluxe ?!

J'ai commencé par le violon au CNR à Paris et vers 18 ans,  j'ai commencé à la basse en autodidacte. 

Mon son, je ne sais pas trop comment te dire. Je ne suis vraiment pas un geek du matos, et pour moi ce n'est pas du tout quelque chose d'important, par contre, je vais quand même te raconter une petite histoire.

Quand j'ai enregistré le premier disque, je m'étais mis à la 5 cordes, donc juste avant, j'avais cherché une basse qui m'irait bien, et en essayant dans les magasins, à Pigalle, quand ça se faisait encore, j'essayais tout, et je passais des heures dans les boutiques de musique, et il y a eu une basse que je ne connaissais pas du tout pour laquelle j'ai bien accroché, c'était une Sandberg 5 cordes active qui ronronnait bien !

Du coup, j'ai enregistré avec et quand l’album est sorti, je l'ai envoyé à ce luthier, là-bas en Allemagne avec un petit mot. Il n'y avait pas trop les réseaux sociaux à cette époque-là. Et il m'a recontacté en me disant "j'adore ton disque". Et depuis, il y a un lien de confiance qui s'est créé avec Holger chez Sandberg. Depuis, je joue tout le temps avec. Il m'en a offert quelques-unes. J'ai pu en essayer plein de choses chez lui. C'est vraiment des instruments que j'aime beaucoup. Au début, ils n’étaient que deux chez Sandberg. Aujourd’hui, c'est devenu une grande marque et ils le méritent bien. J'ai eu l'occasion, beaucoup plus tard, de visiter leurs locaux qui avaient énormément grandi et de voir tous ces gens qui intervenaient à chaque étape de fabrication. C'est vraiment des passionnés. Ils faisaient des expérimentations en essayant de faire vibrer du bois. C'était des sorciers.

Par exemple, il y en a une que j'aimais beaucoup. C'était une style jazz bass passive quatre cordes. Le truc le plus basique qui soit. Je l'ai essayé et je me suis dit, celle-là, je la veux. Il me répond, c'est celle d'un client et je ne peux pas te la vendre. Je lui ai dit, je t'en commande une alors, exactement la même.

Je n'en entends plus parler, et 6 mois après, sans rien me demander, je la reçois chez moi comme ça, c'était Holger qui m'avait fait un beau cadeau, et il ne m'avait même pas prévenu. Holger travaille à la confiance et il ne fait pas de contrat d'endorsement avec les musiciens. s'ils veulent jouer ses instruments, ils les jouent c'est le meilleur moyen pour que ça marche, il faut qu'il y ait un plaisir partagé des deux côtés.

Voilà, c’est ma partie matos. C'est plutôt une histoire. J'aime beaucoup ces instruments-là. Je trouve qu'ils ont un bon rapport qualité-prix. Ils sont costauds et fiables. Je n'ai jamais eu de problème avec. C'est vraiment le son que j'aime bien. Après, c'est personnel. Mais, soit dit en passant, j'ai également d'autres instruments. J'ai des Fender Jazz Bass et Precision que j'affectionne particulièrement mais que je n'emmène pas en tournée. Les Fender, je les laisse à la maison, bien précieusement. C'est des vieilles dames, de très, très vieilles dames. Je ne veux pas qu'elles se blessent. 

J'ai l'impression que quelle que soit la basse que je vais prendre, j’aurais grosso modo, le même son. C'est juste le confort de jeu qui va changer. Parce qu'irrémédiablement, quand je me branche, je vais me régler pour retrouver le son dans lequel je suis bien. Ce qui n'est pas forcément celui de mon voisin. C'est chacun le sien. Mais forcément, ton oreille et tes doigts vont corriger instinctivement.

Pour retrouver le son que tu aimes bien, tu vas jouer plus ou moins près du chevalet, tu vas accrocher plus ou moins les cordes.

Et pour les amplis, Quand je suis chez moi, je ne joue pas dessus. Je joue sur mes enceintes de monitoring. Je suis en direct dans ma carte son.

Comme ça, il n'y a aucune triche. C'est comme si tu avais un boîtier de DI. C'est tout. 

Un ampli basse, c'est construit pour faire sonner l'instrument. Ça donne du grave, de la compression, même si tu n'en mets pas.

Si tu veux travailler ton son, tu travailles tes doigts. Moi, je conseille de t’enregistrer en direct et tu écoutes ce qu'il sort de tes doigts. Les enceintes de monitoring ne sont pas là pour te corriger. En travaillant de cette manière, ton jeu devient constant et solide.

Je ne dis pas que c'est bien, je dis juste que c'est ce que j'aime et je n'ai rien inventé. Mes grands frères avant moi ont fonctionné comme ça également. Instinctivement, ton jeu change et évolue en fonction de ce que tu entends. C'est un aller-retour. Ton son et ton jeu évolue en fonction de ta place dans le groupe.

Si tu es en trio, tu as beaucoup d’espace et là tu vas pouvoir élargir ton jeu. Tu dois sans cesse ajuster la taille de ton vocabulaire, la taille de ton son en fonction des autres.

C'est que j'aime quand on enregistre, être dans le groupe, pour entendre ce qui dépasse et ce qui ne dépasse pas.

Je préfère faire du travail de recherche à la musicalité des morceaux plutôt qu'au rendu sonore que le matériel va essayer de m’offrir.

 

Et si tu devais donner un conseil à quelqu’un qui voudrait se mettre à la basse ?!

Si tu travailles tout seul, joue au clic ou avec une boîte à rythme. Ne joue pas dans le vide. Il faut s'amuser, certes. Jouer des morceaux. Jouer sur tes morceaux préférés, mais pas dans le vide.

Et ensuite, enregistre toi. Cela va te permettre d’élever ton niveau de perception et t’apprendre à corriger ton jeu. A la basse, c’est important d’être solide et constant. C’est avec la batterie le moteur d’un groupe. C’est comme une course par équipe. Dans ton équipe, tes coureurs courent et toi la rythmique, tu es le tapis roulant en dessous qui les aide à avancer.